Faire de l’économie sociale et solidaire un levier du changement
Entreprises sans actionnaire dotées d’une gouvernance élue par les adhérents et dont la finalité est d’organiser la solidarité humaine, les mutuelles sont des structures de l’économie sociale et solidaire. Elles participent ainsi, malgré un univers concurrentiel déloyal, à la construction d’une « économie autrement ». Cette « économie autrement » n’est pas un rêve insensé mais une réponse pertinente, d’autant plus face à l’urgence sociale exacerbée par la pandémie et à la crise de système qu’elle engendre. Ce n’est pas non plus un label sans conséquence ou un nouvel habillage pour un système capitaliste en manque de sens. Ce n’est pas une économie de la réparation. L’ESS, c’est une autre manière de produire, de consommer, de distribuer, des richesses et des services qui plonge ses racines dans l’histoire du mouvement ouvrier dont nous sommes les héritiers.
Durant la crise sanitaire, les structures de l’ESS sont en première ligne pour mettre en œuvre la solidarité en particulier à l’égard des plus fragiles. Pour sortir de la crise économique, sociale et environnementale qui secoue nos sociétés, les acteurs de l’ESS ont un rôle primordial à assumer.
Elle construit une économie qui répond aux besoins humains en développant des façons d’entreprendre conjuguant efficacité économique, proximité, bienveillance sociale et soutenabilité environnementale. Tout cela en revitalisant la démocratie jusque dans l’entreprise où elle pénètre si difficilement. C’est ce mode de développement qui place l’être humain au centre de ses préoccupation et repense la place du travail et invente de nouvelles protections et de nouvelles solidarités.
C’est pourquoi nous entendons promouvoir les modèles d’économie sociale et solidaire et, parmi eux, l’ingéniosité mutualiste qui a permis, qui permet et permettra la prise en compte du bien commun. Les Mutuelles de France s’engagent à ce titre dans la République de l’ESS, plateforme commune a tous les acteurs de l’ESS.
Un modèle économique à hautes valeurs ajoutées
L’économie sociale est une forme d’entreprendre originale, fondée autour de principes clairs et rappelés par la loi de 2014 sur l’ESS : une gouvernance démocratique et indépendante de l’apport en capital des parties prenantes, un mode de gestion non lucratif et la poursuite d’objectifs sociaux plus larges que la simple volonté de partager les bénéfices.
Avec des statuts divers, les organisations de l’ESS, sociétés de personnes, ne sont pas soumises à un impératif de rémunération des apporteurs de capitaux. Le système de propriété collective constitue un rempart contre les délocalisations des activités. L'indivisibilité (totale ou partielle) de leurs fonds propres est source de stabilité et de durabilité. Leur ancrage territorial en fait des actrices privilégiées du développement local, de lien social et d'activités respectueuses de l’environnement.
Cette autre façon d'entreprendre, ces valeurs sont plus que jamais d'actualité dans une société confrontée à une crise sans précédent,
L’ESS s’engage autour des communs d’utilité sociale majeure, comme la solidarité.
Promouvoir et défendre l’économie sociale et solidaire. Il s’agit de faire reconnaître les spécificités de l’ESS et de faire partager la vision politique d'une société plurielle composée d'organisations publiques, et d’acteurs privés à but lucratif et non lucratif. Les mutuelles sont, à travers l’histoire, parmi les fondatrices de l’économie sociale et en sont aujourd’hui l’une des familles les plus importantes.
L’ESS intervient dans tous les domaines de l’économie. Elle doit être prise en compte et irriguer l’ensemble des politiques publiques. D’autant qu’elle est un foyer d’innovation tant social que de services.
En produisant des biens et des services, les organisations de l'ESS créent de la valeur ajoutée économique ainsi que du lien social, de la cohésion sociale, de la solidarité, de l'inclusion et de l'éducation à la démocratie, de la valeur sociale.
Trop souvent cantonnées à des programmes spécifiques, elles ne bénéficient pas toujours du même accompagnement que les entreprises du secteur privé « hors ESS ».
La suppression des contrats aidés a porté un coup parfois fatal notamment au fonctionnement de nombreuses associations. Le plan de relance consacre une part au financement du secteur de l’ESS mais ne lui accorde pas une place assez significative pour son développement. Pourtant, elle est une solution pour faire face à la crise sociale et écologique actuelle.
Renforcer la place de l’ESS au sein des politiques publiques.
Sans se substituer aux services publics, l’ESS doit être au cœur des politiques publiques de soutien à l’initiative privée, à la création et la reprise d’entreprises.
La commande publique, comme la délégation de service public, doivent être majoritairement tournées vers les entreprises de l’économie sociale et solidaire. Ceci implique que l’une et l’autre soient financées à hauteur des besoins pour ne pas générer des services low cost et des conditions de travail dégradées.
Le modèle de l'ESS pour prendre en charge le bien commun
Les secteurs de l’offre de soins, du « médico-social » et de la protection sociale sont pris en charge par des acteurs aux logiques diverses et parfois contradictoires : secteur public, secteur non lucratif, dont la mutualité, et secteur privé à but lucratif. Ce dernier gère la santé comme un objet de profits et de spéculations au détriment de la qualité du soin, du bien-être et de la solidarité. Cette recherche incessante de réduction des coûts et de rentabilité financière exacerbée a abouti à des scandales sanitaires et humains importants ces dernières années. De plus, la rapacité des acteurs lucratifs et le libéralisme économique tendent à imposer cette logique délétère à l’ensemble des acteurs qui ne peuvent en préserver les personnes qu’ils prennent en charge.
Réserver les financements publics du médico-social aux opérateurs publics et privés à but non-lucratif. Ce secteur doit échapper à toute pratique marchande qui fait primer le profit sur la qualité de la prise en charge. Pour cela, il faut renforcer les exigences sociales et de gestion démocratique des établissements médico-sociaux. Il sera nécessaire de garantir les financements pour assurer la qualité du service aux personnes et de bonnes conditions d’emploi aux agents. De même que la santé n’est pas assurable individuellement mais mutualisable solidairement, l'action en santé ne peut rester sous la coupe des contraintes marchandes.
L’actualité de la crise sanitaire met en lumière les failles concernant la production, l’approvisionnement et la distribution de médicaments et de produits de santé. À lui seul, le médicament concentre inégalités d’accès, scandales sanitaires, indécence des profits, délocalisation de technologie et d’industrie. Il est temps de mettre un terme à la spéculation sur le médicament. L’égalité d’accès doit être garantie et la politique tarifaire révisée pour plus de justice dans ce domaine. La transparence en matière de composition des produits doit être assurée et les médicaments produits sous licence libre.
Créer un pôle coopératif du médicament et des produits de santé. Les Mutuelles de France souscrivent à la proposition d’un consortium coopératif qui associe l’État et les entreprises du médicament, autant que la Sécurité sociale, les mutuelles santé, les collectivités locales, et les citoyens. Son objectif est d’identifier et de produire, sur le territoire, les médicaments d’intérêt général.
Le statut de l’élu mutualiste défini dans le Code de la mutualité, comme le statut du dirigeant de l’économie sociale et solidaire, sont utiles mais ne sont pas un statut suffisamment protecteur pour toutes les personnes souhaitant s’engager en mutualité, ou dans l’ESS ou encore le secteur associatif. Ces engagements représentent pourtant un maillon essentiel du modèle démocratique et un déterminant de la démocratie sociale.
Harmoniser et perfectionner les statuts des élus de l’économie sociale et solidaire et en élargir les bénéficiaires. Dans le cadre d’une large concertation, il sera cherché l’harmonisation de ces différents statuts, le renfort et l’accessibilité à plus d’acteurs engagés dans ces secteurs. Ceci afin de donner à chacun d’entre eux les moyens concrets d’assumer pleinement leurs responsabilités au sein du mouvement social et de renforcer la démocratie.