Permettre l’accès de toutes et tous à la santé
La crise de notre système de santé est antérieure à la pandémie de Covid-19. Cette dernière a rendu plus visibles les failles du système ouvertes par des décennies de politique néolibérale. Deux mois avant le début de la crise sanitaire, le gouvernement et sa majorité s’accordaient pour imposer 4 milliards d’€ d’économies à l’hôpital public dans la Loi de Financement de la Sécurité sociale pour 2020.
Pendant la crise, sans le dire, le gouvernement a géré la pénurie à laquelle il a largement contribué, comme les précédents de toutes couleurs politiques. Le « Ségur de la santé » a tourné le dos aux « quoi qu’il en coûte » présidentiel, présenté aux plus forts de la crise. Si le gouvernement est « en guerre », c’est, comme avant la crise, contre les conquis sociaux du siècle et demi passé. Les crises préexistantes du système de santé, crise de l’hôpital public, crise de la médecine de premier recours, crise des EHPAD, toutes largement documentées, demeurent sans solution faute de volonté politique de les résorber.
De plus, on continue à fermer des lits, à concocter des coupes budgétaires supplémentaires, à « réorganiser » l’hôpital – dont on ne prend même plus soin de préciser qu’il est « public » – pour chercher à en faire, au mépris de ses missions primordiales, un peu plus encore une entreprise lucrative. Pourtant, qui conteste aujourd’hui que la santé ne peut pas être une marchandise ?
Elle doit être un bien commun accessible à tous, sans exception de situation sociale, d’habitat, de condition d’entrée et de séjour sur le territoire. C’est le rôle d’une protection sociale universelle de haut niveau pour laquelle nous militons. La solution se trouve également dans une nouvelle organisation du système de santé. C’est ce que nous proposons.
L'hôpital public, acteur de santé essentiel
De nombreux lits et services ont été supprimés ces dernières années au nom de la rentabilité ou sous prétexte de sécurité médicale. Ces fermetures, décidées au mépris des besoins des citoyens et des volontés des collectivités, rendent encore plus difficile l'accès aux soins. En pleine pandémie, ces suppressions se poursuivent.
Déclarer un moratoire sur la fermeture des lits et services en hôpital public.
Cette démarche vise à rendre l’accès effectif à l’hôpital public dans tous les territoires et mettre un coup d’arrêt à la désertification médicale ou au transfert au secteur privé lucratif qu’alimente chacune de ces fermetures.
Il s’agit également de donner l’opportunité de repositionner et de redévelopper l’hôpital public dans une logique d’aménagement du territoire.
Depuis 2009, la T2A a transformé les hôpitaux publics en entités gestionnaires qui les poussent à une course aux activités les plus rentables. Dans les zones denses, cette logique crée une concurrence entre établissements pour la réalisation des actes rémunérateurs au détriment d’autres actes. La diminution récurrente des moyens alloués à l’hôpital public associée à la T2A dégrade la qualité de la prise en charge des patients ainsi que les conditions de travail des professionnels de l’hôpital.
Réformer le mode de rémunération des hôpitaux afin de privilégier une prise en charge globale et coordonnée des patients. Il faut redonner les moyens financiers et humains suffisants à l’hôpital public pour une prise en charge coordonnée avec la médecine de ville. Les Mutuelles de France proposent de sortir de la logique de la T2A et de réintégrer dans le mode financement les logiques de parcours, de coordination, de qualité et des spécificités des établissements.
Le besoin des populations en santé est croissant. Faute de former suffisamment de professionnels de santé, et à cause de conditions d'exercice dégradées, de nombreux postes restent vacants. Avec la crise de la Covid-19, la situation déjà difficile dans les services hospitaliers, les urgences ou les EHPAD est devenue dramatique. Elle a contraint à des mesures de confinement aux effets sur durables et catastrophiques sur la santé : ruptures de traitement, retards de prise en charge et d’actes de prévention, désastre psychologique...
Embaucher le personnel de santé nécessaire aux besoins, notamment à l’hôpital public et dans les EHPAD.
La qualité de la prise en charge doit ainsi être améliorée pour toute la population générale et nos aînés en particulier.
Tandis que les conditions de travail dans les hôpitaux sont particulièrement mauvaises et se dégradent continûment depuis 30 ans, les salaires restent à des niveaux faibles.
Revaloriser les rémunérations de l’ensemble de la fonction publique hospitalière et des métiers de l’hôpital public. Cette revalorisation, au-delà des premiers gestes issus du Ségur, doit permettre de mieux prendre en considération la pénibilité et les contraintes liées à l'activité. Au-delà de la reconnaissance pécuniaire indispensable aux métiers du soin, le développement de la qualité de vie au travail est plus que jamais nécessaire, notamment par la prise en compte de la prévention des risques professionnels liés. Ce faisant, c'est aussi la qualité de la prise en charge qui progressera en limitant le turn-over des professionnels et le nombre de postes vacants.
Une stratégie territoriale d'accès à la santé
Elle doit permettre de faire reculer les différents types de déserts médicaux, qu’ils soient ruraux, urbains ou intermédiaires. Les mesures incitatives n’ont pas permis de réguler l’installation des professionnels de santé. La pratique de médecine isolée montre toutes ses limites et ne répond plus aux besoins de la population et aux aspirations des professionnels de santé.
Définir une stratégie nationale pour l’accès à la médecine de premier recours. La priorité pour l’organisation des soins de 1er recours doit être l’implantation d’offres nouvelles dans les territoires sous dotés ou dans les territoires concentrant des populations en précarité. Il faut engager une politique volontariste de régulation de la présence de médecins, par la mise en place d’un schéma opposable de l’organisation de l’offre de 1er recours, associé au déploiement des moyens nécessaires pour permettre aux professionnels de remplir leur mission dans de bonnes conditions. L’exercice coordonné, sous toutes ses formes, doit devenir la norme.
Un tel plan de développement, doit s’appuyer sur des moyens significatifs. Les centres de santé répondent à la fois aux besoins des patients d’un parcours coordonné facilité à partir de la médecine de premier recours et à la volonté de pratiques professionnelles partagées portées par les nouvelles générations de médecins.
En parallèle à la réforme du financement hospitalier, les modes de rémunération de la médecine de premier recours doivent, eux aussi, favoriser la prévention, le travail coordonné nécessaire aux parcours de soins et ce pour assurer une prise en charge globale des patients.
La formation des professionnels de santé doit davantage être tournée vers la coopération et le partage d’activité. Elle doit aussi favoriser l’accueil de tous les publics et donner une plus grande place à la promotion de la santé et la prévention.
La délégation de tâche doit permettre de libérer du temps médical et concentrer l’action des médecins sur le diagnostic et le soin. Cela doit s’opérer dans un cadre maîtrisé et pleinement sécurisé pour les patients comme pour les professionnels.
Ces pratiques sont amenées à se développer et peuvent permettre une amélioration de la prise en charge des patients. Toutefois, cela ne doit pas être un facteur d'aggravation du développement d'une médecine à deux vitesses ni encourager une médecine exclusivement commerciale et numérique. Elles ne peuvent se substituer à une vraie politique d’aménagement du territoire en matière de santé et ne peut constituer la seule réponse aux déserts médicaux. C’est pourquoi une régulation s’impose.
Promouvoir et réguler le télésoin et la télémédecine doit permettre d’éviter la concurrence tous azimuts et des dérives de prescriptions. Le périmètre et l’organisation de la délégation de tâches souvent associée aux télésoins doivent être définis. Les tarifs doivent être encadrés et pris en charge prioritairement par la Sécurité sociale. Les flux d’informations liées à ces consultations doivent être standardisés par la puissance publique et pleinement maîtrisés par les patients et leurs professionnels de santé pour offrir les mêmes garanties de confidentialité que les consultations « en présentiel ».
Une médecine de premier recours en crise et le manque d’articulation entre ville et hôpital conduisent à des renoncements aux soins et à un recours inapproprié et tardif à l’hôpital. Ces dysfonctionnements entravent concrètement le droit à la santé. Les pouvoirs publics se doivent de garantir l'effectivité de ce droit pour tous.
Créer des plateaux techniques pluridisciplinaires dans les territoires. Si l’hôpital public est l’acteur central et indispensable de l’accès de tous aux soins, l’objectif de ces plateaux est d’assurer un maillage territorial effectif et une meilleure coordination entre les structures de soins de ville et les hôpitaux publics.
Un accès à la santé sans barrière financière
Pour y parvenir, nous proposons la mise en place progressive d’une régulation des nouvelles installations de médecins, en autorisant uniquement celles se faisant en secteur 1. Dépassements de tarifs, franchises médicales et forfaits devront également être supprimés pour lever les barrières financières d’accès à la santé. Cette mesure doit également limiter les installations de professionnels dans les zones sur-dotées.
La définition de tous les actes médicaux (y compris en dentaire, optique, audio, etc.) au sein d’une nomenclature unique doit viser à mettre fin aux pratiques qui n’apportent pas de plus-value de santé. Il faut y intégrer les forfaits administratifs, du type chambre particulière ou services d’hôtellerie et de conciergerie aujourd’hui totalement dérégulés. Définis et opposables, les tarifs seront ainsi plus facilement pris en charge, d’abord par la Sécurité sociale.
La généralisation du tiers payant intégral, dispositif inventé par les mutuelles, doit lever une des barrières financières à l’accès aux soins. La non-avance de frais favorise l’accès aux soins. Les réticences des professionnels de santé ne sont pas recevables : des outils simples et fiables existent d’ores et déjà pour mettre en place immédiatement cette disposition.
L’accès aux médicaments et aux produits de santé n’est pas, dans la réalité, un droit universel. Cette crise révèle les conséquences graves de la logique marchande qui prédomine dans ce domaine alors même que les industries du médicament profitent largement de l’argent public (recherche, crédit d’impôts). Ce sont pourtant des biens communs dont la crise de la Covid-19 rappelle l’importance stratégique. Pour protéger les populations, la puissance publique ne peut être spectatrice, elle doit assurer un contrôle démocratique et garantir la transparence en ce domaine.
Développer une politique publique du médicament et des produits de santé.
Il faut imposer la transparence sur les brevets composants un produit de santé pour notamment limiter les brevets sur les produits financés directement ou indirectement par l’argent public. Il faut aussi mettre fin aux mécanismes dits « de référencement des prix » et à la « garantie des prix européens » afin d’assurer une fixation sincère des prix du médicament, pour le rendre plus accessibles aux patients et plus supportable financièrement pour la Sécurité sociale. Dans un second temps, le dispositif SMR et ASMR doit être réévalué en associant parties prenantes, singulièrement les patients et les assurés sociaux
La prévention, outil d'accès à la santé
La promotion de la santé et la prévention sont les parents pauvres de la politique de santé publique d’abord pensée comme curative. Santé Publique France a connu une réduction drastique de ses moyens financiers et humains et a aujourd’hui par exemple, pour une population presque équivalente, un effectif 10 fois moindre que son homologue britannique.
Développer les démarches de promotion de la santé et de prévention et les solvabiliser. La promotion de la santé et la prévention sont des outils de réduction du risque et d’atténuation des effets de certaines affections. Elles améliorent la qualité de vie des personnes et réduisent, à terme, le coût pour la collectivité. L’enjeu est, d’une part, de mener une « révolution culturelle » en agissant sur tous les déterminants de santé, la culture de promotion de la santé et de prévention doit être transversale à l’activité de santé. D’autre part, il faut veiller à ce qu’elle s’adresse à toutes et tous.
Fondée sur une forme de culpabilisation individuelle des usagers, ce qui tient aujourd’hui lieu de stratégie de prévention se solde par un échec. Les comportements néfastes pour la santé comme le tabac, l’alcool, l’absence d’activité physique et la mauvaise alimentation sont à considérer au regard des conditions sociales et des états morbides. Ce ne sont pas des conduites individuelles décidées rationnellement mais des pratiques relevant d’attributs familiaux, de valeurs transmises, de références esthétiques, de modes de socialisation, souvent sous contraintes économiques.
Engager une démarche collective d’éducation à la santé tout au long de la vie, à l’école, à l’université, pendant la vie professionnelle et à l’âge de la retraite. On prendra soin d’adapter la démarche aux enjeux biologiques, psychologiques, sociaux et économiques de chaque âge de la vie et de prendre en considération tous les risques, particulièrement ceux liés au travail et ceux liés à l’environnement.